" Si nous pensons que ce système est capable de se réformer,
qu'il peut rompre lui-même le cours de sa fatale évolution
vers la dictature - la dictature de l'argent - nous hésiterions
certainement à courir le risque d'une explosion destructrice.
Mais le système ne changera pas le cours de son évolution
pour la bonne raison qu'il n'évolue déjà plus,
il s'organise seulement en vue de durer, de s'éterniser."
" La période idéologique est maintenant dépassée
à New-York, à Moscou et à Londres... Bref, les
régimes jadis opposés par l'idéologie sont maintenant
étroitement unis par la technique. Un monde gagné par
la technique est perdu pour la liberté. Qu'il s'intitule capitaliste
ou socialiste, ce monde est fondé sur une certaine conception
de l'homme, commune aux économiste et aux libéraux : un
consommateur, non seulement l'esclave mais aussi l'objet inerte du déterminisme
économique et sans espoir de s'en affranchir puisqu'il ne connait
d'autre mobile sûr que l'intérêt, le profit. Rivé
à lui-même par l'égoïsme, l'individu n'apparait
plus dès lors que comme une quantité négligeable,
soumise à la loi du marché ; on ne saurait prétendre
l'employer que par masses, grâce à la connaissance des
lois inexorables qui le régissent. Ainsi le progrès n'est
plus dans l'homme, il est dans la technique, dans le perfectionnement
des méthodes capables de permettre une utilisation chaque jour
plus efficace du matériel humain.
Ce qui fait l'unité de la civilisation des machines, c'est l'esprit
qui l'anime, c'est l'espèce d'homme qu'elle a formée.
Il est honteux d'oser parler des dictatures comme de monstruosités
tombées de la lune ou d'une planète plus éloignée
encore, dans le paisible univers démocratique. Si le climat du
monde moderne n'était pas hautement favorable à ces monstres,
on n'aurait pas vu un peu partout des millions d'hommes partager en
secret cette nouvelle idolâterie."
" Et il y a des mots dangereusement vidés de leur substance,
comme par exemple celui de démocratie. Regardez les choses en
face ! Si vous êtes trop lâches pour regarder ce monde en
face afin de le voir tel qu'il est, détournez les yeux, tendez
les mains à ses chaînes."